Un autre modèle économique pousse à Saint-Nazaire
Coopérer pour relever les défis environnementaux et sociétaux : à Saint-Nazaire, l’association Baobab propose une vision innovante de l’entrepreneuriat.
« Une montée en conscience progressive », c’est ainsi que Emmanuel Nicoleau décrit le cheminement qui l’a amené à cofonder la première coopérative de transition écologique de Saint-Nazaire. Il n’a pas trente ans quand sort le film d’Al Gore, « Une vérité qui dérange », qui agit comme un premier choc. « J’ai commencé à me dire qu’on marchait sur la tête, sans pour autant mesurer l’ampleur du problème ». Sa prise de conscience se renforce au gré de rencontres et de la découverte d’autres œuvres.
L’échelle locale, levier de transition
À l’aube de la quarantaine, il quitte son poste de directeur d’exploitation après vingt années passées dans une entreprise d’agencement nazairienne. S’ouvre une parenthèse de deux ans, pendant lesquels il prend le temps de lire et de comprendre. Le suivi du parcours de formation proposé par le Collège des transitions écologiques et sociétales accroît sa détermination et son envie d’agir. En parallèle, l’ex-ébéniste participe à la création d’une épicerie associative à Saint-Nazaire, la Coop du coin, qui promeut une alimentation locale et saine. « Ce projet m’a ouvert les yeux sur d’autres façons de faire et m’a convaincu qu’on pouvait avoir un impact en agissant à l’échelle locale. »

La « coopérative de transition écologique », une découverte fondatrice
Alors que surgit la pandémie de Covid, un nouveau point de bascule s’opère avec la lecture de « Revenu de transition écologique : mode d’emploi ». L’économiste et philosophe Sophie Swaton y développe le concept de « coopérative de transition écologique » : une structure locale qui facilite les transitions individuelles via un soutien en partie monétaire, le revenu de transition écologique. « Quand j’ai refermé ce livre, je me suis dit : c’est exactement ce que j’ai envie de faire ! »
Accompagné par la Fondation Zoein, créée par Sophie Swaton à Lausanne, il fonde Baobab, la première « coopérative de transition écologique » de Saint-Nazaire. L’association rejoint ainsi un réseau de territoires d’expérimentation du revenu de transition écologique, en France et en Suisse.
S’extraire du modèle économique dominant
Dans la foulée, lui et un autre membre de l’association se forment au référentiel de l’économie de la fonctionnalité et de la coopération (EFC), initié par le laboratoire de recherche ATEMIS. « Cette théorie postule que notre système actuel génère un ensemble d’effets délétères en termes environnemental, climatique et social, et qu’il ne peut y avoir de transition écologique et sociale sans transition économique ». S’il n’y a pas de solution clé en main, le référentiel EFC propose des points d’appui pour s’en extraire. « Aujourd’hui, cette approche est au cœur de l’action de Baobab ».
Accompagner le développement d’écosystèmes coopératifs territorialisés
Cette nouvelle étape permet au collectif d’affiner le projet, qui devient, en 2021, lauréat de l’appel à manifestation d’intérêt (AMI) de l’Ademe sur l’innovation sociale et territoriale. Emmanuel Nicoleau devient salarié de l’association.
Et aujourd’hui, concrètement, quelle est la mission de Baobab ? « Nous nous positionnons comme une structure de formation et d’accompagnement à la transition économique et à la coopération territoriale. L’une de nos spécialités est d’accompagner le développement d’écosystèmes coopératifs territorialisés » (ECT), résume Emmanuel Nicoleau, s’excusant au passage de formulations pouvant sembler abstraites. « Il s’agit d’une manière coopérative d’entreprendre, qui associe des acteurs de tous horizons : collectivités, entreprises, écoles, associations, citoyens, etc. On est vraiment dans une logique très transverse, en faisant travailler ensemble des acteurs qui habituellement ne se croisent pas. Cette nouvelle approche du développement économique permet de créer des emplois tout en répondant à des enjeux écologiques et sociaux. » Et Emmanuel Nicoleau en est convaincu : « La prise en charge de ces enjeux n’aurait pas été possible dans une manière d’entreprendre classique et individuelle. »
4 écosystèmes coopératifs accompagnés
Baobab accompagne aujourd’hui quatre écosystèmes coopératifs. Parmi eux, Lowrange, un projet émanant d’une salariée du groupe de nettoyage Facility, qui a proposé que l’entreprise fabrique son propre produit de nettoyage. « Nous avons mis autour de la table différents acteurs pour concevoir un produit écologique, constitué de résidus d’agrumes, de vinaigre blanc et d’eau, fabriqué dans une logique d’économie circulaire ». L’IUT de Saint-Nazaire travaille sur la formulation du produit, l’entreprise nazairienne l’Avant-d’Après intervient sur le procédé de fabrication, et les résidus d’agrumes sont fournis par… la Coop du coin. La boucle est bouclée !
Le revenu de transition écologique en passe d’être expérimenté
Installé au sein de la Maison de l’Entreprise de Saint-Nazaire « au milieu des acteurs économiques, là où on a envie d’agir », Baobab a su démontrer la pertinence de son projet. « Le moment est venu pour nous de lancer le revenu de transition écologique », se réjouit Emmanuel Nicoleau.
Le principe ? « Aider des porteurs de projets répondant aux enjeux écologiques et sociaux pour des activités encore peu inscrites dans nos modes de vie, de consommation et de production. Ces personnes ont besoin d’être soutenues plus longtemps, et vont bénéficier d’un accompagnement spécifique et d’un complément de revenu le temps de lancer et sécuriser leur projet. » En retour, le ou la bénéficiaire s’engage, une fois son activité viable, à reverser une partie de ses résultats à la structure qui l’a soutenu, en l’occurrence Baobab. « Ce nouveau profil d’entrepreneur.es est indispensable à la transformation écologique et sociale de notre bassin de vie. L’objectif est de nous permettre d’accompagner et de financer de nouveaux porteurs de projet grâce au revenu de transition écologique. Notre rôle est de mettre en place ce circuit vertueux. » Un nouveau chapitre que Baobab s’apprête à ouvrir, avec quatre premiers bénéficiaires, issus des quatre écosystèmes coopératifs.
Un nouvel acteur du développement économique
Et demain ? « Notre ambition est d’être identifiés et reconnus comme un acteur d’intermédiation, contribuant activement au développement économique du territoire, et répondant aux enjeux de la transition ».
Mais au fait, pourquoi Baobab ? « Le baobab est un arbre aux multiples vertus : d’une longévité exceptionnelle, c’est l’arbre à palabres par excellence, ses fruits présentent de grandes propriétés nutritionnelles, et on fabriquerait même des vêtements avec son écorce. Bref, c’est un écosystème à lui seul, à l’image de ce que l’on souhaite faire à Saint-Nazaire ! »
Aujourd’hui l’association BAOBAB est co-pilotée par Laurent CAFFIN, Mariam GUIHÉNEUF, Claire-Emmanuelle HUE, Carole LAIMAY, Laurent FRIESS et Séverine MÉTRIAU. Elle mobilise un collectif d’une trentaine de professionnels et de citoyens. Elle agit à une échelle locale (Saint-Nazaire et les environs), et contribue à 3 programmes nationaux d’action-recherche (COOP’TER de l’ADEME, le revenu de transition Ecologique de ZOEIN France, l’Institut Européen de l’EFC).