160 ans d’histoire, entre résilience et innovation
160 années d’histoire industrielle qui n’ont pas toujours été un long fleuve tranquille… Si les Chantiers de l’Atlantique ont toujours construit de grands bateaux, il leur a fallu à certains moments, compte tenu des aléas économiques, aller explorer d’autres secteurs. En parallèle de la construction navale qui s’essoufflait au tournant des années 2010, les Chantiers ont opéré un virage stratégique vers les nouveaux marchés porteurs des énergies marines renouvelables. Avant de voir revenir des commandes pour des bateaux de croisières XXL qui sont aujourd’hui parmi les plus innovants du monde et confèrent une aura internationale à Saint-Nazaire. Une résilience à toute épreuve, qui tire toute sa force du collectif.
La naissance des paquebots au 19e siècle…
Pour raconter l’histoire des Chantiers de l’Atlantique, il faut remonter au 19e siècle. A l’origine, c’est l’histoire entre deux villes, Nantes et Saint-Nazaire, dont le destin est intimement lié à leur port. En effet, au milieu du 19e siècle, Nantes décide de déplacer son port à Saint-Nazaire. Saint-Nazaire ne compte alors que 1000 habitants. Sous l’impulsion de l’Etat, les premières lignes sont tracées vers l’Amérique du Sud, et l’Etat exige la construction de bateaux français. Les frères Pereire créent la Compagnie générale transatlantique et lancent le premier chantier naval de Saint-Nazaire. La suite est connue. Le chantier de Saint-Nazaire fera naître son tout premier paquebot transatlantique, l’Impératrice Eugénie, lancé en 1864 (photo), le premier d’une très longue série qui se prolonge au rythme des livraisons des Chantiers de l’Atlantique.
Au milieu du 19e siècle, Nantes décide de déplacer son port à Saint-Nazaire. Saint-Nazaire ne compte alors que 1000 habitants.
Du transport de passagers à l’effort de guerre
Les débuts de la construction navale à Saint-Nazaire sont un peu chaotiques. Avec la Première guerre mondiale, Saint-Nazaire voit arriver les Américains qui apportent un nouveau souffle à la ville. C’est à partir de cette époque que remonte la quête du Ruban Bleu, récompense remise aux navires les plus rapides sur le trajet transatlantique entre l’Angleterre et l’Amérique du Nord. Pendant l’entre-deux guerres, les Chantiers de l’Atlantique continuent à produire notamment des paquebots, de façon extrêmement importante. C’est à cette époque que l’on voit naître les grands paquebots bien connus de Saint-Nazaire. Juste avant la quasi-destruction totale des Chantiers lors que la Seconde guerre mondiale, puis sa reconstruction après coup.
Le premier vrai point de bascule s’opère dans les années 1960, alors que les avions de ligne parviennent à être fiables, et à transporter les passagers sur de grandes distances. Les paquebots transporteurs de passagers entre les continents perdent de leur intérêt. A partir de 1960, les paquebots disparaissent pratiquement du carnet de commande de Saint-Nazaire.
Le premier vrai point de bascule s’opère dans les années 1960, alors que les avions de ligne parviennent à être fiables, et à transporter les passagers sur de grandes distances.
De la prospérité à l’arrivée de la concurrence asiatique
Dans les années 1960, avec l’appétit autour des énergies fossiles, les Chantiers deviennent un grand chantier constructeur de pétroliers. Entre 1965 et 1975, les Chantiers sont entièrement redessinés pour prendre la configuration qu’ils ont aujourd’hui. Grâce à des investissements majeurs dans les outils de conception, ils comptent dès lors parmi les chantiers les plus avancés au monde
Malheureusement, avec les chocs pétroliers, les Chantiers traversent une période très difficile de 1975 à 1985. Pendant qu’ils construisaient des pétroliers, la concurrence asiatique s’est installée.
Malheureusement, avec les chocs pétroliers, les Chantiers traversent une période très difficile de 1975 à 1985.
Du transport de passagers à la croisière
A partir de 1985, le paquebot n’est plus un transport de passagers d’un continent à un autre, mais il devient un moyen de loisir. Avec ce résumé très américain, du « cruise to nowhere ». Le grand virage est amorcé avec la signature du Sovereign of the Seas pour Royal Caribbean Cruise Line. Les Chantiers rentrent dans la brèche de la nouvelle croisière et enchaînent à nouveau les succès. Néanmoins, il y a des hauts et des bas, des moments de doutes, les espoirs et désespoirs liés à la conquête de nouveaux marchés, la recherche de nouvelles technologies. De 2005 à 2010, en pleine période de crise financière, le groupe Alstom cherche à se débarrasser des Chantiers, qui s’en perdre d’argent, n’en gagnaient pas assez. C’est à ce moment que les Chantiers passent sous pavillon coréen et deviennent STX en 2017-2018. Un passage sous pavillon coréen qui prend vite l’eau.
La diversification comme réponse à la crise
De la crise avec les Coréens, les Chantiers tirent une leçon : la trop grande spécialisation est nocive à leur avenir. C’est alors qu’ils commencent à regarder du côté des énergies marines, et décident de rentrer dans ce domaine. Dotés d’une grande expérience de l’acier sur de grands ensembles, les Chantiers auraient là une carte à jouer. Les discussions sur d’éventuels champs éoliens en France commencent à pointer. Mais cela va prendre du temps, le premier parc éolien off-shore de France au large de Saint-Nazaire (photo) n’est pas encore réellement décidé. Les Chantiers inaugurent donc leur première sous-station au large de l’Angleterre pour un client danois. Ils se mettent alors à construire des sous-stations électriques à la suite les unes des autres. Elles équiperont les parcs éoliens d’Europe du Nord et bientôt les champs français. Un pari réussi puisque ce marché représentera bientôt 20 à 25% du chiffre d’affaires.
Suite à la crise avec les Coréens, les Chantiers se diversifient et se tournent vers les énergies marines
L’expertise design et technologique pour des paquebots XXL
Le 18 juillet 2018, la France procède à la nationalisation temporaire de STX France, qui redevient officiellement Chantiers de l’Atlantique. Entre-temps, à partir de 2013, les commandes records de paquebots étaient revenues. Des commandes pour des paquebots qui deviennent de plus en plus gros. Pour les Chantiers, la tâche consiste à être créatif et innovant pour répondre aux clients qui demandent des paquebots toujours différents. Heureusement, ils peuvent compter sur l’un des bureaux d’études parmi les plus gros de France avec près de 1000 personnes.
Outre les exigences des clients en termes de design, les demandes portent sur les innovations technologiques pour répondre aux nouvelles réglementations environnementales. La décarbonation devient alors un sujet de préoccupation pour les ingénieurs des Chantiers, que ce soit en termes d’économies d’énergie ou de nouveaux carburants. En témoigne le World Class Europa (photo), l’un des derniers paquebots sortis des Chantiers qui consomme 40% d’énergie en moins par rapport à 2008, année de référence de l’OMI.
Le World Class Europa, l’un des derniers paquebots sortis des Chantiers, consomme 40% d’énergie en moins
4000
salariés à Saint-Nazaire
1000
collaborateurs au bureau d’études
1/3
du chiffre d’affaires des Chantiers consacrés aux EMR d’ici 10 ans
-40%
d’énergie consommée pour le World Class Europa
Des bateaux bi-carburants pour répondre aux exigences environnementales
Sur les nouveaux carburants, la complexité technologique consiste à construire des bateaux bi-carburants (avec le gazole à titre de secours). Faute d’investissements suffisants, les nouveaux carburants (bio-GNL, e-GNL, bio-méthanol ou e-méthanol) ne sont pas encore très répandus. Le projet Zibac mené à Saint-Nazaire tente d’y répondre en partie en produisant des carburants verts sur la zone portuaire. Quid de l’énergie du vent ? Les Chantiers veulent croire à la propulsion vélique, non seulement pour les bateaux de croisière, mais aussi pour les navires de charge. Ils sont d’ailleurs fournisseurs des mâts et des voiles du Neoliner inauguré en octobre 2025 à Nantes. Une belle collaboration territoriale dont se félicitent les acteurs. Ces premiers tests de bateaux à propulsion vélique seront décisifs sur l’avenir de cette nouvelle technologie.
Le cap pour les 10 ans à venir
Et les Chantiers, où en seront-ils dans 10 ans ? Les énergies marines renouvelables (EMR) pourraient bien représenter un tiers de leur chiffre d’affaires. Les commandes de navires de croisière, si elles sont en mesure de répondre aux contraintes environnementales, devraient continuer d’affluer pour assouvir une soif de loisirs toujours grandissante. En avril 2026, sera aussi livré l’Orient Express Corinthian, un bateau à fière allure de 200 mètres de long, plus grand navire à voiles jamais construit. Mais, la demande sera aussi militaire, une activité qui représente déjà 10% du chiffre d’affaires. Le monde maritime est un monde prudent, mais face aux aléas, il sait garder son cap.
Crédits photos / Collection Saint-Nazaire Agglo – Ecomusée :
- 1- Lithographie « L’Impératrice Eugénie » de Charles Leduc (1865)
- 2- Le cuirassé Diderot (1911) – Photographe inconnu
- 3- Le pétrolier Prairial (1979)- Photographe inconnu
- 4- Le Paquebot Queen Mary 2 (2004)- Photographe inconnu