En moins de dix ans, Largo s’est imposée comme une référence du smartphone reconditionné en France. Une aventure locale qui fait rimer réparation et innovation et un acteur clé de l’écosystème nantais du réemploi.
L’épopée du smartphone reconditionné made in Nantes
« À l’origine, j’étais destiné à travailler dans le vin », sourit Christophe Brunot, cofondateur de Largo. Après six années d’études dans les vins et spiritueux, il choisit pourtant une autre voie : celle des circuits imprimés. « J’ai toujours aimé décortiquer les téléphones dans tous les sens pour savoir comment ils sont composés ! À l’origine, j’étais moi-même réparateur et je reste très attaché à cette partie technique du produit ».
Au début des années 2000, il rejoint Phone House, puis Virgin Mobile, où il devient directeur régional. C’est là qu’il rencontre Frédéric Gandon, autre passionné de téléphonie, qui avait déjà un pied dans le service après-vente. Les deux hommes s’associent d’abord en 2014 pour développer des boutiques de réparation : ils posent alors les premières bases de ce qui deviendra Largo.
Utiliser un smartphone reconditionné permet d’économiser 82 kg de matières premières et l’équivalent de 240 baignoires d’eau. C’est 25 fois moins polluant qu’un smartphone neuf !

Co-fondateur de Largo

De la réparation à la réassurance industrielle
En 2016, les deux associés pressentent un tournant. Les smartphones ne connaissent plus de véritable rupture technologique, les prix s’envolent au-delà de 1 000 € et le marché de l’occasion explose. « On s’est dit qu’avec notre expérience dans les télécoms et le SAV, nous pourrions apporter de la réassurance industrielle dans un marché encore très artisanal ». Ils installent leurs premiers postes à Carquefou, dans 120 m² à peine. Trois ou quatre salariés, des outils de test et déjà un objectif clair : industrialiser la confiance. Six mois plus tard, le succès est déjà au rendez-vous : le chiffre d’affaires atteint 1,2 million d’euros !
L’envol industriel à Sainte-Luce-sur-Loire
En 2017, une première levée de fonds d’un million d’euros auprès de business angels nantais, dont Abab, permet à Largo de s’installer à Sainte-Luce-sur-Loire. « Ces nouveaux locaux de 1 000 m² ont permis de poser les premières briques industrielles et d’organiser la chaîne de production pour le volume ». En 2018, l’équipe grandit et compte une quinzaine de personnes. La crise sanitaire de 2020 agit comme un accélérateur : le télétravail dope la demande, les pénuries de composants freinent le neuf. Largo clôture l’année avec 10,3 millions d’euros de chiffre d’affaires, puis réussit son introduction en bourse sur Euronext Paris en avril 2021. « On voulait lever 17 millions d’euros, on en a levé 24, avec 68,5 millions d’intérêts de souscription. C’était un mode de financement que nous n’avions pas du tout imaginé ! ». De 40 collaborateurs, l’équipe passe à 80.

Réemploi: l’impact environnemental au cœur du modèle
Si le prix reste le premier moteur d’achat, la conscience écologique s’impose peu à peu. Largo participe à une étude menée avec l’ADEME en 2021, qui quantifie les bénéfices du reconditionnement : « Utiliser un smartphone reconditionné permet d’économiser 82 kg de matières premières et l’équivalent de 240 baignoires d’eau. C’est 25 fois moins polluant qu’un smartphone neuf ! » L’activité prouve que rentabilité et impact positif peuvent aller de pair : 17,6 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2021, 21 millions en 2022.
Les opérateurs télécoms comme leviers de croissance
L’année 2023 marque un nouveau cap avec la signature d’un contrat majeur avec Orange France, engagé vers la neutralité carbone d’ici 2040, bientôt suivi par Bouygues Télécom en 2024. Ces partenariats propulsent Largo vers 34,8 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2024, soit une progression de 15 millions d’euros en un an ! Derrière ces chiffres qui donnent le vertige, les associés de Largo gardent la tête froide : « notre objectif est de garantir une expérience client aussi proche que possible du neuf, avec le moins de taux de SAV possible. C’est le seul moyen de faire du reconditionné un réflexe aussi naturel que l’achat de neuf ! » Aujourd’hui, un téléphone sur cinq vendu en France provient de ce marché et Largo en reconditionne entre 10 000 et 15 000 par mois.


Et maintenant, l’Europe
Largo regarde désormais au-delà des frontières hexagonales, avec des projets de partenariats auprès d’opérateurs européens comme Vodafone ou Deutsche Telekom. Les obstacles réglementaires sont encore nombreux, mais, pour affiner son modèle, l’entreprise mise sur la data et l’intelligence artificielle afin d’optimiser ses coûts et ses flux.
Former ses techniciens et accompagner les entrepreneurs
Largo compte aujourd’hui environ 80 collaborateurs. Faute de filière diplômante, l’entreprise forme elle-même ses techniciens, en partenariat avec France Travail. « Nous organisons régulièrement des jobs dating et nous formons en interne, parfois avec des parcours financés deux à trois mois ». Christophe Brunot, également vice-président innovation d’Initiatives 44, garde les pieds sur le terrain : « C’est ma bulle d’oxygène : aller voir ce qui se fait sur le territoire, accompagner les porteurs de projets. »