Alain MARBOEUF

Dirigeant de Bat’IPAC

Réemployer le papier-carton issu des poubelles jaunes pour bâtir les murs et les toits des maisons : une idée audacieuse devenue réalité grâce à Alain Marboeuf. À la tête de Bat’IPAC, cet entrepreneur engagé a fait de son atelier nantais un véritable modèle d’économie circulaire et solidaire. Ici, la fabrication des blocs cartons est assurée par des personnes en situation de handicap, pour qui le travail devient un levier de réinsertion et de valorisation. Entre innovation écologique et inclusion sociale, Alain Marboeuf incarne une vision forte : construire durablement, localement, et humainement.

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Comment vous est venue l’idée de fonder Bat’IPAC ?

Bat’IPAC est née d’une rencontre. J’ai rencontré Hubert Lé, un inventeur qui avait pensé à mettre du carton dans les murs. A la suite de cette rencontre, nous avons développé tous les systèmes constructifs que l’on a aujourd’hui et Bat’IPAC a pris son essor pour fabriquer un matériau de construction avec du carton issu du recyclage.

Pouvez-vous expliquer l’activité de Bat’IPAC ?

L’activité de Bat’IPAC, c’est de fabriquer le matériau qui s’appelle l’IPAC, qui veut dire « isolant porteur alvéolaire cellulosée », c’est une marque déposée.

Bat’IPAC assemble des feuilles de carton, les enveloppe dans une membrane étanche à l’eau et à l’air et fabrique un matériau, dont on voit la gamme ici, qui va de 5 à 25 cm d’épaisseur pour constituer à la fois les sols, les murs et les toits.

Cela équivaut à combien de maisons construites par an ?

La chaîne de production que nous avons ici a la capacité de fabriquer l’équivalent de 200 logements de 90 m² par an.

Combien de temps de R&D vous a-t-il fallu pour développer ce matériau ?

Au niveau de la R&D, il y a eu le démarrage des principes constructifs, qui ont été relativement rapides, de l’ordre de 6-8 mois.

Puis, il y a eu tous les essais auprès du FCBA à Bordeaux, qui ont mis plusieurs années. Et puis, la véritable R&D finale, c’est la preuve de concept qui est de 10 ans, puisque c’est la garantie décennale en France, qui permet de prouver que votre système constructif tient bien la route pendant plus de 10 ans.

De quelle manière Bat’IPAC révolutionne-t-il le secteur de la construction, particulièrement émetteur de CO2 ?

De plusieurs manières. Il y a déjà le fait d’utiliser un matériau issu du recyclage et recyclable. Le carton que l’on utilise, est issu du recyclage du papier carton, les fameuses poubelles jaunes.

Chacun contribue à mettre de la matière dans ses murs ou ses toits demain. Cette industrie permet de recycler du papier carton avec de l’eau en circuit fermé, permettant de ne pas consommer d’eau.

La température est produite par des méthanisations internes dans l’entreprise DS Smith Packaging, notre partenaire. Et puis, on vient assembler les feuilles de carton avec les ondulations, avec de la colle d’amidon de maïs ou de blé.

On est sur un produit plutôt très propre et très sain. Dans la finalité, ce matériau, issu de l’économie circulaire, est livré dans des structures d’insertion. Ces structures d’insertion, au travers d’une chaîne low-tech, fabriquent des blocs pour constituer l’IPAC.

La démarche est aussi sociétale, puisque l’on sait faire à la fois de l’insertion sociale, mais cette chaîne est déployable en moins de deux mois dans n’importe quelle structure d’insertion en France. Cela permet de faire de la relocalisation, du développement local, industriel, mais aussi de l’insertion sociale locale. Si bien que l’on est aussi sur une démarche sociétale, à la fois pour décarboner le bâtiment et en même temps ramener l’économie au plus près des chantiers et au plus près des utilisateurs finaux.

Lorsque ces personnes en insertion fabriquent des blocs de murs, des blocs de toits ou autres, elles en sont fières et se sentent reconsidérées.

En quoi est-ce primordial pour vous de faire travailler des personnes en insertion ?

L’importance de faire travailler des personnes en insertion, c’est déjà une conviction personnelle. Je pense qu’aujourd’hui, si on veut que notre économie soit équilibrée, nous avons des centaines de milliers de personnes disponibles sur le marché français qui souhaitent participer au grand jeu. Ces personnes, effectivement, effectuent déjà des travaux, mais plutôt annexes, et rarement on leur propose de travailler pour des matériaux de construction.

Notre démarche est tout à fait importante. Lorsque ces personnes en insertion fabriquent des blocs de murs, des blocs de toits ou autres, elles en sont fières et se sentent reconsidérées. C’était quelque chose d’important.

Cela permet de faire de la relocalisation, du développement local, industriel, mais aussi de l’insertion sociale locale.

Pour vous, la production des blocs carton doit se faire le plus possible à l’échelle locale…

En effet, nous avons aussi réfléchi pour faire de l’économie en circuit court. Monter une usine, cela reviendrait à avoir une empreinte carbone. Aujourd’hui, faire transiter des poids lourds sur toute la France, cela n’aurait aucun intérêt. Dans notre cas, nous nous appuyons sur le réseau des structures d’installation existantes, ce qui fait qu’on n’a pas à porter le poids du carbone. Et en plus, on a développé une chaîne low-tech qui s’adapte à personnes en situation d’handicap mental et ou social.

Nous avons réfléchi à un modèle beaucoup plus stable à long terme pour la construction de matériaux. L’année prochaine, nous allons monter une ligne de production à Auxerre, par exemple, grâce à des bailleurs sur la région de Bourgogne-Franche-Comté qui ont adopté ce matériau pour leur construction. Quand il y a un volume d’affaires, on peut s’installer une production directement locale. Idem pour la région aussi des Hauts-de-France, et la région Normandie. Donc, on voit que très rapidement, on peut se retrouver sur les différents territoires avec un objectif d’avoir une quinzaine de lignes sur la France permettant d’alimenter le marché français.

Quand il y a un volume d’affaires, on peut s’installer une production directement locale, avec pour objectif d’avoir une quinzaine de lignes sur la France permettant d’alimenter le marché français.

Par quels partenaires êtes-vous accompagné sur le territoire de Nantes-Saint-Nazaire ?

Au niveau des partenaires sur le territoire de Nantes-Saint-Nazaire, on est accompagné aujourd’hui par Atlanpole dans notre démarche. Nous avons aussi rencontré la Région des Pays de la Loire.

Il est vrai que nous avons fait un travail plutôt national dans notre démarrage. Nous sommes pratiquement plus connus à Paris, d’une certaine manière, avec les différents prix que nous avons remportés. Et puis l’IPAC, ce n’est pas ce qu’on appelle la haute technologie. Il n’y a pas d’IH. Chez Bat’IPAC, on est plutôt dans l’IH, l’intelligence humaine. C’est un petit peu différent dans la démarche. Mais aujourd’hui, on a préféré construire un modèle qui s’équilibre à la fois sur la matière première, avec des ressources, avec des ressources sans conflit d’usage, avec un modèle sociétal.

Par conséquent, nous n’étions pas toujours visibles face aux instances qui étaient plutôt sur la haute technologie en tant que telle. Donc, on est surtout accompagné par les réseaux de l’économie sociale et solidaire (ESS). Bat’IPAC est une entreprise ESS, labellisée ESUS.

Le réemploi vous semble-t-il encore trop timide. Même si à Nantes, il existe la démarche « Terre de réemploi » ?

Il n’y a pas une seule solution, il y a un ensemble de solutions qui vont être certaines locales, certaines même très locales, d’autres départementales, d’autres nationales. Et chacun a un rôle à jouer. Le marché est immense.

On a complètement oublié qu’aujourd’hui, le biosourcé et autres ne représentent qu’une toute petite part du marché national. Et donc, on a chacun un rôle à jouer à différents niveaux, permettant même de jouer ensemble. On peut faire les toits et travailler avec des acteurs qui construiront les murs pour avoir un bâtiment mixte. On n’est pas du tout dans une démarche de mono-matériaux.

Nous devons avant tout essayer d’unir les forces de tous ceux qui ont œuvré ou qui œuvrent dans la décarbonation pour réussir à faire l’ensemble.

Bat’IPAC, une entreprise récompensée pour son innovation et son impact durable

Bat’IPAC, une entreprise multi-primée pour son innovation et son impact durable

Pionnière du réemploi dans la construction, Bat’IPAC s’impose comme une référence nationale en matière d’innovation écologique et sociale. Son modèle vertueux qui allie matériaux recyclés, production locale et inclusion de personnes en situation de handicap, a été maintes fois récompensé :

  • 2025 : Trophée CIRCOLAB – catégorie « composants circulaires du bâtiment » et labellisation Tideline BPI Euroquity
  • 2024 : Prix Industrie à Start West, 1er Lauréat du Woodtech Startup Challenge et Prix Coup de Cœur Waves of Change ; organisation de formation certifiée Qualiopi
  • 2023 : Labellisations Karibati (Produit biosourcé Or), Ruptur et French Fab ; Grand Prix Impact – meilleure solution à impact social et environnemental, catégorie « construction durable »
  • 2022 : Double médaille d’or aux Awards de l’innovation – Salon Batimat et label Solar Impulse Efficient+

Une reconnaissance qui confirme l’ambition de Bat’IPAC : faire rimer construction, inclusion et innovation durable.