Retour à la liste des actualités

Mesurer son impact : quand les données guident la transformation

Mesurer son impact : quand les données guident la transformation

Émissions de CO2, consommations énergétiques, empreinte environnementale des produitsla mesure d’impact constitue un élément essentiel dans toute démarche de responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Et une étape indispensable pour d’identifier des axes d’amélioration et engager des actions.

Mesurer pour comprendre

Pour Maxime Guéguen, la mesure d’impact est loin d’être un exercice purement technique : c’est une véritable clé de compréhension. Au sein de l’équipe Transition écologique de la CCI Nantes St-Nazaire, il accompagne les entreprises en travaillant sur trois axes : la stratégie globale RSE, le bilan carbone, qui permet à l’entreprise d’évaluer sa dépendance aux énergies fossiles, et l’éco-conception des produits et services, en s’appuyant sur l’analyse de cycle de vie (ACV). L’objectif : aider les entreprises à faire des choix éclairés et à mieux comprendre leurs impacts environnementaux. Il prévient toutefois contre une quête de l’exhaustivité qui s’avérerait fastidieuse, voire infructueuse. « Les outils actuels nous permettent heureusement de travailler sur la base d’hypothèses. »

De la prise de conscience à l’action

« Il s’agit d’être globalement juste pour pouvoir appuyer sur les bons leviers », souligne Sébastien Jamet. Le dirigeant de HLP, PME spécialisée dans la performance industrielle et le lean digital, décrit comme un véritable choc les résultats de l’analyse de cycle de vie menée avec l’Ademe. « Nous avons découvert que 80 % de notre impact environnemental était dû à la consommation de minerais liée aux écrans ». Partant de ce constat, l’entreprise a élaboré une feuille de route axée sur quatre indicateurs principaux : l’impact sur les minerais, les énergies fossiles, le changement climatique et, dans une moindre mesure, l’eutrophisation de l’eau. Les effets de cette feuille de route dépassent le cadre de l’entreprise. « Nous sommes aujourd’hui capables d’indiquer à nos clients ce que pèse leur système de lean digital en termes d’émission de CO2 ou d’impact minerais ».

L’énergie comme boussole collective

Pour Hugues Desplanques, la mesure est d’abord une affaire de coopération. Née de l’initiative des CCI de Nantes St-Nazaire et d’Ille-et-Vilaine, la SCIC Estuaire Énergie accompagne aujourd’hui 75 sociétaires — PME, ETI, clubs d’entreprises… — dans leur transition énergétique : planification énergétique, achat d’énergie, maitrise des consommations et valorisation locale de l’énergie. Pour ce faire, Estuaire Énergie s’appuie sur des indicateurs de réduction de la consommation, de baisse des émissions et d’augmentation de la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique, avec un fort accent sur la dynamique collective et la coopération entre les membres.

Des données qui transforment la stratégie

Les trois acteurs s’accordent : la donnée n’a de valeur que si elle influence les décisions. Hugues Desplanques cite l’exemple d’un industriel qui a réduit ses coûts et ses émissions en ajustant ses cycles de refroidissement. Chez HLP, elle a réorienté le développement produit : « nous allons présenter à nos clients avec un produit nouveau, peut-être plus couteux, mais dont l’empreinte environnementale serait moindre. ». Ailleurs, la donnée fait évoluer les modèles économiques. 

« Un bilan carbone seul ne sert à rien », martèle Maxime Guéguen, qui insiste sur la nécessité d’intégrer cet outil en amont, afin que l’entreprise identifie sa dépendance à l’ensemble de sa chaîne de valeur. « Dans de nombreux cas, notamment dans l’industrie, jusqu’à 90 % de l’impact provient de la chaîne amont. » Cette prise de conscience devient alors un levier stratégique. « En montrant aux dirigeants que leur activité dépend fortement de donneurs d’ordres très carbonés, on les amène à réorienter leur stratégie commerciale, par exemple, en se diversifiant vers des secteurs moins dépendants des énergies fossiles. Il s’agit d’une bascule à la fois écologique et économique, en lien avec la pérennité de l’entreprise. »

Une normalisation souhaitable ?

Pour Maxime Guéguen, un outil comme le bilan carbone, désormais bien intégré dans les entreprises, permet de parler le même langage. Décliné sur d’autres impacts environnementaux, il permettrait d’offrir une vision plus complète. La flexibilité est toutefois essentielle : un outil trop rigide risquerait de devenir obsolète.

Bien qu’il salue le principe de mettre au même niveau rapport financier et rapport sur l’impact environnemental, Sébastien Jamet pointe la complexité d’une démarche comme la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive). « Même pour une PME de 250 personnes, la quantité de données à collecter est énorme. Un équilibre entre normalisation et flexibilité des outils serait sans doute préférable. »

« L’indicateur “magique” n’existe pas, insiste Hugues Desplanques. Ce qui compte, c’est la valeur de la donnée et la capacité à l’exploiter ». La donnée issue des contrats d’énergie et des courbes de charges dynamiques des 75 sociétaires d’Estuaire Énergie constitue ainsi un véritable levier d’action.

De la PME industrielle à la coopérative énergétique, les expériences convergent : la mesure d’impact n’est pas une fin en soi. Elle est un levier d’apprentissage collectif, un outil de cohérence entre performance économique et responsabilité environnementale. Bien utilisées, les données aident les entreprises à mieux se transformer.