Sea4Earth souhaite introduire l’algue française dans nos assiettes

Lorsque Nicolas Durand a fait visiter la côte atlantique à des officiels coréens, la vision des algues recouvrant les rochers a suscité leur stupéfaction. « Qu’on laisse cette ressource inexploitée dépasse leur entendement », s’amuse le cofondateur et président de Sea4Earth. Alors que l’Asie, et plus particulièrement la Corée, est un grand exportateur de nori (algue utilisée dans la préparation des sushis), la culture des algues marines comestibles ne représente en Europe que 0,1 % de la production mondiale. « Les producteurs d’algues peinent à trouver des marchés faute d’un tissu industriel adapté, poursuit le dirigeant, ingénieur agronome de formation. Et la production est insuffisante pour intéresser les grands groupes alimentaires ». Une situation que Sea4earth ambitionne de changer en développant de front la production d’algues à grande échelle et leur transformation industrielle.
Équiper nos côtes de fermes d’algoculture
Pierre angulaire du projet : un concept de fermes « 4.0 » de culture des macroalgues à terre. « Il s’agit de fermes connectées, conçues pour conjuguer rendement optimal et faible consommation énergétique ». Selon les configurations, ces fermes pourront intégrer une zone de transformation. Un prototype est en cours d’expérimentation avec le CEA Tech de Cadarache, avant un déploiement envisagé sur le littoral méditerranéen et atlantique.
Un potentiel dans les parcs conchylicoles
Les zones de conchyliculture représentent une opportunité particulière, liée à la valorisation des algues présentes sur les parcs à huitres. « Les algues recouvrant les poches à huitres sont à ce jour considérées davantage comme une nuisance que comme une ressource exploitable. Nous proposons d’ensemencer les poches à huitres pour y récolter les algues en vue de leur consommation, ce qui permettrait par ailleurs aux conchyliculteurs d’avoir une source complémentaire de revenus en développant une nouvelle activité. » De premiers tests concluants ont ainsi été menés en Charente-Maritime grâce notamment à CAPENA (Centre pour l’aquaculture, la pêche et l’environnement de Nouvelle-Aquitaine, le Comité régional de la conchyliculture (CRC) 17, les Fermes du Soleil et quelques conchyliculteurs pionniers.
Des moyens industriels au service d’une alimentation durable
Le modèle de ferme développé par Sea4Earth permettrait de produire 900 tonnes d’algues par hectares, soit 90 tonnes de produit sec, « un rendement très largement supérieur à la culture céréalière, pour une consommation d’eau bien moindre », souligne Nicolas Durand. « L’algue constitue un “super aliment”, extrêmement nutritif et au faible impact environnemental. À l’heure où il devient urgent de végétaliser notre alimentation, elle s’impose comme une véritable alternative durable. »
Le projet de valorisation porté par Sea4Earth comprend à la fois la production de feuilles à sushi, mais également l’intégration de l’algue comme ingrédient dans des produits alimentaires courants. L’entreprise est en cours de développement avec le CTCPA (Centre Technique de la Conservation des Produits Agricoles) d’Avignon d’un pilote industriel pour fabriquer des feuilles à sushi made in France. Une fois validé, le process industriel sera déployé dans de premières usines, dans le sud de la France et sur la zone atlantique.
L’entreprise mène en parallèle des projets de R&D pour de nouveaux produits, notamment dans les Pays de la Loire. Un partenariat est sur le point de se conclure avec un industriel de la région nantaise.
Un écosystème favorable pour les macroalgues à Nantes et dans les Pays de la Loire
Si son siège est situé à Marseille, les activités opérationnelles de l’entreprise seront menées depuis ses implantations à Aix-en-Provence — Sea4earth Méditerranée — et à Nantes — Sea4earth Atlantique — où l’entreprise a déjà tissé des liens avec l’écosystème. « Nantes Saint-Nazaire Développement a permis d’accélérer notre mise en relation avec les acteurs de l’agroalimentaire et de l’innovation. ».
Créée en juillet 2023, Sea4earth prévoit une levée de fonds en 2026 pour lancer les premières implantations intégrées de la ferme et du site industriel de valorisation. En parallèle, elle participe à la feuille de route nationale sur la filière algues. « Nous estimons essentiel de ne plus dépendre de l’Asie pour un produit qui, demain, contribuera à notre souveraineté alimentaire ».