Wind for Goods : le défi du déploiement à grande échelle pour la filière du transport à la voile

Réunis les 19 et 20 juin 2025 à Saint-Nazaire lors de l’événement Wind For Goods, les acteurs de la propulsion vélique ont exprimé l’urgence du passage à l’échelle de la filière. Au-delà de la décarbonation, ils ont lancé un cri du cœur en faveur d’un transport maritime plus respectueux de l’environnement et des hommes.
Cette troisième édition de Wind for Goods a mis en lumière les dernières innovations qui démontrent l’efficacité du transport à la voile. Parmi les 80 acteurs présents, le Nantais Neoline s’apprête à mettre en service en septembre à Nantes son premier cargo à voiles, un navire roulier de 136 mètres qui effectuera une rotation régulière entre la France et l’Amérique du Nord. Grain de Sail effectue depuis 2024 des liaisons transatlantiques régulières avec son deuxième voilier cargo et proposera en 2027 le Grain de Sail 3, un transconteneur de 110 mètres. Le Canopée de Zéphyr & Borée transporte depuis maintenant deux ans le lanceur d’Ariane 6 depuis l’Europe vers la Guyane. La compagnie maritime Windcoop vient de lancer la construction de son premier cargo. Et l’armateur TOWT exploite deux voiliers-cargo depuis 2024, une flotte complétée par six autres navires depuis 2026.
Une responsabilité environnementale
La filière se trouve à un moment charnière et cette édition de l’événement Wind for goods a permis de mettre en lumière les nombreux défis qu’il reste à relever pour le passage à l’échelle. « Nous avons une responsabilité particulière dans la démonstration de la promesse. D’autant que les projets sont globalement plus coûteux au départ », estime Jean Zanuttini, fondateur de Neoline. Et de poursuivre : « Si l’on parvient, dans un avenir proche, à démontrer de manière incontestable les réductions d’impact générées, cela ouvrira de grandes perspectives pour l’ensemble du secteur ».
Le changement d’échelle devrait faciliter l’organisation du transport. « Les capacités des navires augmentent, les délais raccourcissent », témoigne Olivier Barreau, président de Grain de Sail dont « le nouveau bateau Grain de Sail III permettra de baisser les coûts, et de s’aligner sur les standards du transport maritime mondial, tout en étant disruptif.”
Un besoin de convaincre encore du bien fondé du transport à la voile
“Tous les armateurs ne sont pas encore convaincus, mais je suis persuadé que d’ici 10 ans, la majorité des navires de commerce en construction seront prévus avec au moins une assistance vélique”, avance Nils Joyeux, président et co-fondateur de Zéphyr&Borée. Pour Olivier Barreau, « l’enjeu est maintenant d’embarquer les chargeurs sans lesquels rien ne se passe. C’est le marché qui permet l’éclosion de nouvelles lignes et de nouveaux navires « .
La performance, un critère à valoriser
Pour continuer à convaincre, les données de performance sont essentielles. Or actuellement, “chacun joue un peu sa partition”, regrette Nils Joyeux. L’approche la plus pertinente consisterait à mettre en avant les économies réalisées par rapport à ce qui existe sur le marché. Jean Zanuttini convient que le sujet est ardu à présenter, et estime qu’on ne peut pas réduire les avantages de la propulsion par le vent à un indice “parce que l’enjeu, ce sont les limites planétaires, pas seulement le CO2”.
L’espoir suscité par les nouvelles réglementations
Plus de 90 % des cargos fonctionnent aujourd’hui aux énergies fossiles et le transport maritime représente 3 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. La décision récente de l’Organisation maritime internationale (OMI) d’imposer des émissions nulles d’ici 2050 a été accueillie comme un signal fort par les acteurs du transport à la voile. « Il faut continuer à inciter et soutenir les efforts en matière de réglementation. En parallèle, à nous de montrer que des alternatives réalistes répondent aux ambitions réglementaires. Aujourd’hui, les armateurs sont obligés de prêter attention à ce qu’on fait », se réjouit Jean Zanuttini.
La proposition de loi vélique, déposée le 4 juin dernier à l’Assemblée nationale, est particulièrement attendue par les acteurs du transport vélique. « La loi vélique que nous appelons de nos vœux depuis des années doit être bien plus qu’un symbole. Elle doit dire : oui, la France choisit le vent. Elle doit être un outil décisif pour le climat et pour l’avenir », lance Diana Mesa, co-fondatrice de TOWT. Et de conclure : « Chaque tonne transportée sans fuel est une victoire. Chaque mètre de voile hissé, c’est un peu de futur regagné. »
Des avantages pour l’homme
Au-delà des émissions de CO2, le vélique apporte aussi d’autres avantages : réduction des risques de collision due à la vitesse moins élevée, du risque de pollution maritime accidentelle, réduction du bruit sous-marin, etc. C’est aussi la dimension sociale que prônent les acteurs du vélique et qui commencent à convaincre des clients. Windcoop limite en effet à trois mois la durée d’embarquement, et applique des conditions égales aux salariés, quelle que soit leur nationalité, loin des pratiques de dumping social. Comme le souligne Nils Joyeux, « c’est intéressant de constater que des chargeurs viennent aussi pour ça ».