« En 2030, on aura besoin de 5 fois plus d'électricité pour les industries existantes et les implantations de nouvelles industries »

Quelle est l’ambition de Loire Estuaire Décarbonation ?
L’ambition globale de Loire Estuaire Décarbonation (ADELE), c’est d’accélérer la décarbonation du territoire et sa transition écologique et énergétique, alors qu’il dépend aujourd’hui à 70% des énergies fossiles. Depuis 2022, Saint-Nazaire Agglo, Estuaire et Sillon, Nantes Saint-Nazaire Port et une vingtaine d’industriels sont engagés dans cette démarche qui vise à atteindre la neutralité carbone en 2050. La première phase du programme, qui bénéficie d’une subvention de 3,2 millions d’euros de France 2030 via l’appel à projets ZIBaC opéré par l’ADEME, vise à mener des études d’opportunité et de faisabilité pour entamer cette transformation. Une deuxième phase du programme commencera à l’été 2026 sur une durée pouvant aller jusqu’à 5 ans, et permettra de mener des études d’ingénierie plus détaillées
Comment se situe le territoire de Nantes Saint-Nazaire au niveau national en termes d’émission carbone ?
On parle de 5 millions de tonnes par an pour les émissions industrielles de CO2. Ce qui représente la quatrième zone industrielle en termes d’émissions françaises, après Dunkerque, Fos-sur-mer et Le Havre. L’ambition collective, c’est de permettre la résilience de ce territoire dans un monde moins dépendant des énergies fossiles. L’estuaire de la Loire fait partie des 11 zones industrielles bas carbone en France qui travaillent à leur décarbonation.
Deux nouvelles usines de production de carburants de synthèse sont en développement, l’une pour le transport aérien et l’autre pour le maritime
Quel sera le premier projet concret ?
Le territoire Loire Estuaire est un acteur majeur de l’approvisionnement énergétique français, par lequel transite 10% de l’énergie primaire consommée en France. La vision portée par les parties prenantes publiques et industrielles, c’est de pérenniser cet atout dans un monde moins dépendant aux énergies fossiles, et de faire émerger ce qu’on appelle un hub d’énergie décarbonée. Ce hub passera d’abord par l’émergence d’infrastructures énergétiques : réseaux électriques, infrastructures CO2, infrastructures hydrogène, réseaux de chaleur, etc. Sur les réseaux électriques par exemple, il s’agit de multiplier par 5 la capacité électrique du territoire à horizon 2030, un projet porté par RTE à horizon 2030. Cela permettra l’électrification et donc la décarbonation des industries existantes, et l’implantation de nouvelles industries, dont des producteurs de carburant de synthèse. Concrètement, cela passera par un renforcement des capacités de transport d’électricité entre Cordemais et Saint-Nazaire.
Un autre projet concerne le transport et le stockage de CO2 ?
En effet, le projet GOCO2 a pour ambition de décarboner 3 sites comptant parmi les plus gros émetteurs industriels français : les cimenteries Lafarge-Holcim de Saint-Pierre-la-Cour (Mayenne) et Heidelberg materials d’Airvault (Deux-Sèvres), ainsi que l’usine Lhoist de production de chaux à Neau (Mayenne). Le CO2 issu de ces sites sera capté et transporté par canalisation jusqu’à un futur terminal CO2 à Montoir-de-Bretagne, d’où il sera exporté par bateau vers des sites de stockage géologique permanent. GOCO2 permettra à horizon 2030 de stocker 2,2 millions de tonnes de CO2 par an, soit l’équivalent des émissions de la métropole de Nantes.
Une partie de ce CO2 pourra-t-elle être valorisée ?
Effectivement, une fraction du CO2 capté pourra être servir de matière première à la fabrication de carburants de synthèse. Deux nouvelles usines de production de carburants de synthèse sont en développement à Montoir-de-Bretagne et à Donges, l’une pour le transport aérien (e-kerozène) avec le projet Take Kair porté par Hynamics (filiale d’EDF) et l’autre pour les besoins du transport maritime (e-méthanol) avec le projet Green Coast porté par Lhyfe et Elyse Energy. Ce sont des projets qui n’existaient pas encore il y a trois ans et qui devraient voir le jour d’ici 2031. Chacune de ces usines représentent un investissement de l’ordre de 1 milliard d’euros. Ces usines auront par ailleurs des besoins électriques importants, et on voit donc bien l’intérêt du renforcement du réseau électrique qui permet des implantations de ce type et devient un facteur de compétitivité pour le territoire.
Quelles sont les filières industrielles d’avenir pour le territoire ?
Cela fait aussi partie des réflexions. Nantes Saint-Nazaire Port et les collectivités locales regardent comment libérer du foncier public et privé afin d’optimiser le foncier actuel et accueillir de nouvelles implantations industrielles. Ces acteurs réfléchissent également à l’élaboration d’une stratégie d’attractivité du territoire sur des filières industrielles bas carbone, par exemple l’éolien offshore, le transport vélique ou encore le nautisme bas carbone.
L’estuaire devra aussi s’adapter au changement climatique. De quelle manière cette menace est-elle prise en compte ?
En effet, une étude est également menée par Nantes Saint-Nazaire Port et Saint-Nazaire Agglo sur la résilience de la zone industrialo-portuaire face au changement climatique. Elle vise à étudier les vulnérabilités du territoire face aux risques climatiques (submersion marine, tempêtes, inondations, sécheresses, etc.) et à élaborer un plan d’adaptation associé.
On s’intéresse également à la gestion de l’eau, qui est un enjeu important pour le territoire. Il s’agit d’évaluer les consommations d’eau actuelles et futures par les industriels, et d’étudier la réutilisation des eaux usées issues de stations d’épuration pour répondre à ces besoins industriels.
Vous avez un projet dans la décarbonation de l'industrie ?
Caroline THIBAULT
Chargée de développement Industrie décarbonée & Tech
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